Michel Aglietta, disparu le 24 avril 2025, fut l’un des plus grands économistes de sa génération. Penseur du capitalisme, de ses dynamiques macroéconomiques et de la monnaie, reconnu des historiens, des anthropologues et des politistes, il incarnait la figure de l’économiste ancré dans les sciences sociales. Sa façon de briser les barrières disciplinaires pour réconcilier l’économique, le social et, plus récemment, l’écologie est aux antipodes des pratiques contemporaines de spécialisation à outrance qui entravent la compréhension de la complexité du monde et notre capacité à faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés.
Michel Aglietta fut co-fondateur de deux écoles de pensée : l'approche de la régulation avec Robert Boyer et la théorie institutionnaliste de la monnaie avec André Orléan qui entretiennent entre elles des relations étroites de fertilisation croisées.
Les travaux de Michel Aglietta proposent une lecture théorique de l’évolution et des crises du capitalisme combinant les influences théoriques de penseurs majeurs du capitalisme tels Marx, Keynes, Kalecki, Minsky ou Polanyi mais également les apports d’autres sciences sociales au premier rang desquelles l’histoire et l’influence revendiquée de Braudel et de l’école historique allemande. Le programme de recherche régulationniste et l’approche institutionnaliste de la monnaie trouvent leur origine dans une critique radicale du programme de recherche néoclassique qui ne s'intéresse pas au capitalisme mais à l’économie de marché et qui ignore la monnaie. La pensée de Michel Aglietta est aux antipodes de la pensée néoclassique. La théorie pure, décontextualisée et a-historique n’a pas droit de cité. Quel que soit le champ étudié, monnaie, instabilité financière, rapport salarial ou transition écologique, l’économie, le social et le politique ne sont jamais dissociés.
Les programmes de recherche impulsés et construits par Michel Aglietta se sont profondément renouvelés dans la période récente à l’aune du défi de la soutenabilité écologique de notre régime d’accumulation. En témoigne l’émergence d’une jeune génération de chercheurs se reconnaissant dans ces programmes et démarche de recherche et qui, pour certains, à l’instar de Michel Aglietta dans la dernière partie de sa vie, tentent de faire la jonction entre la théorie de la régulation et l’économie écologique.
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